EN 1940, UN DESTIN S’EST JOUE A GRUGE L’HOPITAL

La p’tite histoire rejoint la grande.

Une ligne. Et encore. Quelques mots dans les manuels scolaires, pas plus. L’aventure du capitaine de Hautecloque, à Grugé-l’Hôpital, passerait presque inaperçue. Une anecdote. Une poussière d’histoire.

Pourtant, ces quelques heures dans le petit bourg de 300 habitants ont été cruciales. Pour la vie de l’officier. Pour la commune. Pour le pays. C’était en juin 1940. Rembobinage.

Les Allemands ont envahi le pays, après l’armistice. Le 26 juin, de Paris, le capitaine Philippe de Hautecloque rejoint sa soeur, Yvonne de Bodard, au château de Champiré, à un jet de pierre de Grugé-l’Hôpital.

Ce n’est pas vraiment la grande forme. Avant d’arriver dans le Haut-Anjou, le capitaine de Hautecloque en a « bavé ». Blessé. Deux fois fait prisonnier par les Allemands. Deux fois évadé.

Sans-papiers

En piteux état, mais déterminé, le capitaine. Tendu vers un but. Un objectif. Rejoindre Londres et le général De Gaulle, dont il a entendu l’appel. Mais c’est loin d’être gagné. Sa situation n’est pas brillante.

Le capitaine de Hautecloque est « sans-papiers », la Kommandantur s’est installée à la mairie de Grugé. Et ça grouille d’Allemands. Un vrai nid de guêpes. Dont l’officier doit sortir. Vite.

Son seul espoir ? Dégoter de faux papiers d’identité, pour circuler librement. Et rejoindre sa terre promise. Le salut viendra d’un homme d’église et d’un élu local.

Le curé Brossier, également secrétaire de mairie, et Édouard Delanoë, le maire de Grugé-l’Hôpital. Eux seuls peuvent produire de faux papiers et les faire signer par la Kommandantur.

Un respectable négociant en vins

Contactés par Yvonne de Bodard, le 27 juin, ils ne se font pas prier pour tirer le capitaine de ce pétrin. Les faux documents sont établis. L’officier devient un respectable négociant en vins.

La légende dit que c’est à ce moment-là que l’officier a pris le nom de Leclerc. Certains témoignages le confirment, mais rien n’est prouvé. Qu’importe. Les Allemands n’y voient que du feu. L’officier peut circuler.

Dès le 28 juin, il part vers le sud, à bicyclette. Espagne, Portugal, puis Grande-Bretagne. Et, enfin, Londres, où il rejoint De Gaulle. Le reste de sa vie rejoint l’Histoire de France.

Cette Histoire qui ne retiendra pas Grugé-l’Hôpital. Ou si peu. Pourtant, sans l’intervention du curé et du maire, le maréchal Leclerc n’aurait sans doute pas existé. C’est aussi simple que ça.

Aujourd’hui, l’association grugéenne du souvenir du maréchal Leclerc de Hauteclocque s’évertue à garder cette mémoire intacte. « Il représente un symbole », disent ses membres.

L’année prochaine, un char Sherman, de 30 tonnes, sera installé dans la commune, après restauration. Là aussi, un symbole. Comme un lien. Un pont entre une « petite » histoire et la grande. Là où s’est joué un destin. Grâce à de faux papiers, et des hommes de bonne volonté.

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